Plus de 60% des entreprises québécoises ont de la difficulté à recruter

10 novembre 2021

Excellence industrielle Saint-Laurent s’est entretenu avec Élodie Ferretto, Responsable Ressources Humaines chez Altitude Aerospace et Mathieu Galarneau, Directeur Ressources Humaines chez Socadis, deux entreprises laurentiennes participant à la table des ressources humaines d’Excellence industrielle Saint-Laurent. 

La situation de la pénurie de main d’œuvre au Québec est alarmante, l’Institut du Québec (IDQ) comptabilise 194 145 postes vacants au Québec, soit une augmentation de 38% en 2 ans. 

Pire encore, les Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ) chiffre à plus de 18 G$ les contrats perdus ces deux dernières années.  

Dans une nouvelle étude de la BDC, on apprend même que c’est au Québec que la difficulté d’embauche est la plus aiguë au pays. Parmi les causes souvent évoquées, le vieillissement de la population, le ralentissement de l’immigration et le changement de domaine d’activité pour 20% des travailleurs québécois.  

Chaises de salle d'attente pour recrutement d'employés

Table de ressources humaines

En quoi consiste la table RH DESTL? Depuis quand y participez-vous? Qu’est-ce que cela vous a apporté?   

La table RH est un espace d’échanges entre pairs dédié au personnel des ressources humaines œuvrant sur le territoire de Saint-Laurent. Elle existe depuis 2006 en partenariat avec Services Québec. Au départ, nous avions une quinzaine d’entreprises autours de la table et depuis l’accréditation des activités de la table RH par le CRHA dans les unités de formation, nous avons doublé le nombre de participants. Nous offrons 5 rencontres de 3 heures par année (en virtuel depuis la pandémie) sur différents thèmes pertinents pour nos membres et nous invitons un expert dans le domaine afin d’animer la discussion. Les sujets abordés en 2021 étaient : Télétravail : mobilisation et évaluation de performance, Reconnaissance, Intégration et rétention des employés, Développement des compétences et relève, Santé mentale et mieux être au travail.   

Elodie Ferretto Altitude Aerospace
Elodie Ferretto, Altitude Aerospace

Élodie Ferretto : « Je participe à la table RH depuis 3 ans, je trouve cela très intéressant et formateur. On aborde vraiment des sujets qu’on choisit ensemble et qui nous parlent. La collaboration et le retour d’expérience avec nos pairs est très enrichissant. On découvre les pratiques RH dans d’autres entreprises et d’autres secteurs. Entre chaque table, on continue à échanger par courriels. »  

Mathieu Galarneau,  Socadis
Mathieu Galarneau,  Socadis

Mathieu Galarneau : « Cela fait 4 ans que je participe à la table RH, Lina Samaha, qui coordonne la Table fait un travail formidable et elle est sympathique et toujours de bonne humeur. Elle invite des consultants très pertinents qui nous partagent leur savoir. C’est toujours plaisant de pouvoir discuter de différentes problématiques rencontrées sur le terrain. »   

Présentez-nous brièvement votre entreprise  

Logo Altitude Aerospace

Élodie Ferretto : « Altitude Aerospace est un bureau d’ingénierie et de certifications en aérospatial. Nous travaillons sur des projets de développement de nouveaux avions, de conversions d’avions ou de réparations d’avions en service. Nous avons également un atelier d’usinage qui produit des pièces manufacturières pour divers secteurs dont l’aérospatial, le médical, la défense et les télécommunications. »  

Découvrir les postes disponibles chez Altitude Aerospace.  

logo Socadis

Mathieu Galarneau : « Socadis est le plus grand distributeur de livres en français au Canada, appartenant au groupe français Gallimard. Nous sommes des distributeurs de livres, pas des imprimeurs. Nous recevons 130 000 SKU, soit 80 à 100 nouveautés par jour, c’est à dire plus de 1500 boîtes de livres expédiées par jour. Pour cela, nous avons une partie de nos opérations automatisées pour optimiser nos processus et gagner du temps de déplacement. »  

Découvrir les postes disponibles chez Socadis.  

Problématique de main d’œuvre 

Avez-vous des difficultés de recrutement? Pour quels postes? Est-ce que vous avez perdu des employés avec la pandémie?  

Élodie Ferretto : « Même si le secteur de l’aéronautique connait une pénurie de main d’œuvre depuis 4 à 5 ans, les difficultés de recrutement se sont amplifiées avec la pandémie en 2020. Les types de postes que nous recherchons sont des ingénieurs ou des techniciens spécialisés pour notre bureau d’ingénierie et des machinistes pour notre atelier d’usinage. Tous ces postes sont identifiés comme des postes en pénurie au Canada donc le processus de recrutement à l’étranger est simplifié. Par chance, nous n’avons pas perdu d’employés à cause de la pandémie mais on a des difficultés à recruter même pour des postes administratifs. »  

Mathieu Galarneau : « Oui, nous avons des difficultés à recruter malgré le fait que nous sommes au-dessus du salaire minimum. Nous faisons appel à des agences de placement mais les nouveaux employés recrutés par leur entremise, en raison de la pénurie de main d’œuvre renégocient sans cesse avec ces dernières leur taux horaire alors cela génère un fort taux de rotation pour ces postes.   

Par ailleurs, nous avons perdu un tiers de notre effectif en quart de soir car nous avions dû couper l’équipe durant un mois au début de la pandémie, alors ces derniers ont quitté l’entreprise. En effet, lors du premier confinement, les librairies n’étant pas considérées comme des commerces essentiels, elles étaient fermées. Au niveau de l’encadrement, cela nous a pris plus de 3 mois pour trouver un superviseur logistique par exemple. On reçoit beaucoup de cv mais pas en adéquation avec l’offre.  » 

Causes du manque de main d’œuvre 

Quelles sont les causes au manque de candidats pour les postes vacants selon vous?  

Élodie Ferretto : « Je pense qu’il y a plusieurs facteurs à l’origine du manque de main d’œuvre. Les politiques freinant l’immigration de ces 2 dernières années, n’ont vraiment pas aidé puisque nous recrutons en partie à l’international. De plus les attentes sur le marché ont changé, on ne pourrait pas retourner en arrière et imposer à nos collaborateurs d’être au bureau 5 jours semaine. C’est certain que les entreprises n’étant pas en mesure d’offrir du télétravail, auront encore plus de difficultés à recruter. »  

Mathieu Galarneau : « Avec l’inflation, notre personnel de logistique a beaucoup changé, il est désormais à 80% de femmes pour les employés tels que les départements de prélèvement, du classement et des retours. On entend dire que les nouveaux arrivants pour la plupart n’acceptent plus des salaires proches du salaire minimum à leurs arrivées, voulant davantage subvenir aux besoins de leur famille.   

Les jeunes générations veulent davantage de temps de loisirs et un meilleur équilibre travail-famille alors nous avons ouvert des postes à temps partiel (de 16h à 24h, notamment pour les étudiants l’été). Nous avons fait une campagne de recrutement avec comme slogan « un lundi rando, un vendredi coiffeur ». Le confinement a en effet changé les mentalités, les gens ont eu d’autres priorités que le travail et ont investi davantage leur foyer (rénovations, activités en famille, déménagement en banlieue etc.) Nous sommes loin du « métro-boulot-dodo. »  

Conséquences du manque de main d’œuvre

Est-ce que cela ralentit votre croissance/vos affaires? Avez-vous dû refuser des contrats? À combien se chiffre votre perte de revenus?  

Élodie Ferretto : « Nous n’avons pas perdu de contrat mais nous devons solliciter davantage nos employés et pallier en interne. On est plus frileux pour certains contrats et parfois on soumissionne avec des partenaires pour partager la charge de travail. Dans le secteur de l’aéronautique, les cohortes des grandes écoles ne sont pas remplies à 100% alors nous allons manquer de jeunes diplômés et nous en sommes inquiets. La game a changé, les candidats ont un pouvoir de négociation plus élevé en ce moment. »  

Mathieu Galarneau : « Étant donné les nombreuses offres d’emplois sur le marché, on s’est retrouvé en concurrence avec les commerces locaux de Saint-Laurent.   

On remarque également que les employeurs de la Rive Nord et de la Rive Sud offrent désormais des salaires équivalents à ceux offerts à Montréal mais la qualité de vie en plus à proximité de leur domicile.   

Au début de la pandémie, nous avons eu des retards de livraison à cause des problèmes d’approvisionnement qu’il y a eu au Port de Montréal, les nouveaux livres n’arrivaient pas. Pourtant, les confinements ont permis aux gens de s’adonner plus à la lecture et nos clients ont continué à vendre des livres en ligne dès mars 2020. Malgré les livres numériques et les liseuses, le livre papier a encore de belles années devant lui. »  

Solutions à la pénurie de main d’œuvre 

Quelles sont les solutions que vous avez ou vous allez mettre en place pour y remédier?  

Élodie Ferretto : « Depuis toujours, notre entreprise recrute des ingénieurs en aéronautique à l’international, notamment en France et aux États-Unis puisque nous y avons des bureaux. Malgré les difficultés d’immigration dû aux politiques de ces dernières années, l’attrait pour le Canada est toujours intact. Nous avons développé une connaissance approfondie des procédures et de la règlementation en matière d’embauche de travailleurs étrangers. On mise également beaucoup sur la rétention de nos employés, nous faisons preuve de flexibilité avec la mise en place d’une politique de télétravail. On essaie d’écouter au mieux leurs besoins en leur assignant des projets qui les intéressent par exemple et on fait des benchmarks réguliers sur les conditions de travail offertes dans nos secteurs afin de rester compétitif et de garantir une équité salariale en interne. Nous recrutons également des employés juniors ou des stagiaires que nous formons, notamment à notre atelier d’usinage. »  

Mathieu Galarneau : « Nous avons mis en place plusieurs incitatifs comme des primes de référencement à l’interne (500$ pour l’employé qui réfère et 500$ pour la personne embauchée).   

Nous utilisons beaucoup Facebook, nous communiquons sur notre vie interne (événements d’équipe) et nos valeurs, notre page a d’ailleurs plus de 5000 abonnés. On va recevoir une centaine de CV mais il y a peu de cv de qualité, il va seulement y avoir 3-4 candidats pour passer des entrevues, soit ils ne sont pas qualifiés, soit ils n’ont pas bien lu l’offre ou ils demandent des salaires trop élevés.   

Nous avons investi dans des campagnes publicitaires de recrutement également.   

Toutefois, nous sommes conscients que notre entrepôt est peu facile d’accès alors nous allons lancer une campagne de recrutement par publipostage, des flyers seront envoyés pour recruter localement à Saint-Laurent.  

Bien que nous soyons des ambassadeurs de la langue française, nous avons élargi notre bassin de recrutement auprès de candidats anglophones et on a dû s’adapter avec des formateurs anglophones.   

Nous avons remarqué que nos employés sont souvent des amoureux de livres alors nous organisons des événements à l’interne et nous voulons créer un club de lecture. Cela contribue à la rétention de nos employés et valorise notre marque employeur.  

Présentement, nous offrons une prime de 2$ de l’heure à tous les employés en logistique et au personnel de soutien et ce jusqu’à la fin de l’année. » 

Pour conclure, Excellence industrielle Saint-Laurent est en accord avec Manufacturier Exportateurs du Québec (MEQ) qui propose que le gouvernement facilite l’embauche de travailleurs étrangers, investisse dans la promotion du milieu manufacturier et dans la formation en entreprise et offre des soutiens financiers pour l’automatisation des usines. D’ailleurs, Excellence industrielle Saint-Laurent lancera sous peu une nouvelle initiative pour répondre aux enjeux de main d’œuvre des entreprises manufacturières de Saint-Laurent, avec le soutien de Services Québec.  

Vous souhaitez participer à la table RH organisée par Excellence industrielle Saint-Laurent ? Contactez Lina Samaha