Le Sénat français rejette l'AECG : quelles répercussions pour le commerce franco-canadien ?

12 juin 2024

D’après le gouvernement du Canada, l’Union européenne est l’une des plus grandes économies mondiales et le deuxième plus grand partenaire commercial du Canada après les États-Unis. Nos entreprises entretiennent et cultivent de nombreuses relations d’affaires fructueuses avec les pays européens, dont la France.

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Pour maintenir ces bonnes relations, l’Accord économique et commercial global (AECG), aussi connu sous le nom de  Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA), a vu le jour entre le Canada et l’Union européenne (UE). Cet accord de libre-échange global, ambitieux et inclusif, soutient et renforce les valeurs communes du Canada et de l’UE. Il offre aux entreprises canadiennes un accès préférentiel au marché de l’UE et d’excellentes possibilités de croissance dans cette région.

Contenu de l’AECG Accord économique et commercial global

Cet accord comporte trois aspects majeurs :

  • Une diminution des droits de douane, jusqu’alors appliqués à certains produits et services, pour stimuler leur circulation entre les deux blocs ;
  • Une réduction des réglementations qui freinent indirectement le commerce (dites « barrières non tarifaires »), par une convergence progressive des normes et une élimination des mesures protectionnistes ;
  • Un tribunal spécial accessible aux entreprises canadiennes qui investissent en Europe (et inversement), censé les inciter à investir de part et d’autre de l’Atlantique.
Déchargement porte-conteneurs dans le port européen de Rotterdam
Le port de Rotterdam en Hollande, premier port d’Europe et principale porte d’entrée du marché européen pour les marchandises canadiennes importées

L’AECG est appliqué provisoirement depuis le 21 septembre 2017. Cette application provisoire a permis une mise en vigueur significative de la substance de l’accord dès le début. Certains domaines, tels que les dispositions relatives à la protection des investissements ainsi qu’au mécanisme de règlement des litiges entre investisseurs et états, doivent encore être approuvés par tous les parlements nationaux des États membres de l’UE avant une entrée en vigueur complète.

À ce jour, les États membres de l’UE qui ont ratifié l’AECG sont la République tchèque, le Danemark, l’Estonie, l’Espagne, la Croatie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, l’Autriche, le Portugal, la Roumanie, la Slovaquie, la Finlande et la Suède. 

Les polémiques autour de l’AECG

Cependant, à l’aube de son entrée en vigueur complète, l’accord semble en ce moment controversé. En effet, depuis dix ans, l’AECG suscite des débats passionnés entre ses défenseurs, qui mettent en avant ses bénéfices économiques, et ses opposants, qui soulignent les risques qu’il représente pour l’agriculture européenne, la santé et l’environnement. Malgré son approbation par l’UE et l’ensemble des Chefs d’États membres depuis 2017, sa ratification reste problématique. Une dizaine d’États de l’UE craint le rejet de l’accord par leur institution parlementaire et préfèrent une application provisoire temporairement.

Dans le cadre de l’AECG, l’UE s’est engagée à augmenter ses quotas pour le Canada notamment sur certains produits comme le bœuf, le porc ou la volaille. Depuis 1998 l’UE interdit la commercialisation de la viande contenant des hormones, il est donc inexact de croire que le marché européen serait envahi par des viandes traitées aux hormones alors qu’elles sont interdites à l’exportation. C’est pourtant le grief principal qui justifie le rejet de l’AECG par les sénateurs français.

Le Canada regrette le fait que ses producteurs n’exploitent que très peu les quotas accordés par l’UE, en particulier sur les produits agricoles mais pour ce faire, les producteurs canadiens doivent se conformer avec les règles sanitaires, phytosanitaires et environnementales européennes. Ces exigences requièrent en effet des investissements importants et les perspectives économiques qu’offrent le marché européen ne sont pas encore suffisantes pour justifier l’investissement et les producteurs canadiens ont pour l’instant renoncé à utiliser les quotas attribués par l’UE. Encore une fois, la perspective d’une concurrence déloyale où des exportations canadiennes viendraient asphyxier les producteurs européens semble décidément bien loin.

Au niveau économique, le commerce de biens entre l’union européenne et le Canada a progressé de 51 % depuis l’entrée en vigueur de l’AECG.  Cette dynamique s’explique en grande partie par l’inflation. Selon un rapport récent de l’Institut Veblen, une ONG écologiste de référence, hostile à l‘ AECG, la hausse du commerce de biens en volume était beaucoup plus limitée comme l’illustre ce graphique.

Graphique echange UE Canada

Le Canada et la France unis par l’histoire et le commerce

Le Canada et la France entretiennent des relations riches et profondes, ancrées dans une histoire partagée et une langue commune. Membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, du G7 et du G20, ainsi qu’un des pays fondateurs de l’Union européenne et un partenaire principal au sein de l’Organisation internationale de la Francophonie, la France constitue l’un des plus proches alliés du Canada.

Au niveau du commerce, la France est un partenaire commercial important pour le Canada car c’est le quatrième marché d’exportation de marchandises du Canada dans l’Union européenne. En 2023, le commerce bilatéral de marchandises entre les deux pays a totalisé 12,9 milliards de dollars, les exportations canadiennes de marchandises vers la France étant évaluées à 4,3 milliards de dollars.

Des enjeux agricoles et environnementaux au cœur des inquiétudes françaises malgré une balance positive pour l’Europe

Le projet de loi autorisant la ratification de l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne a finalement été examiné par le Sénat français. Cet accord, signé en 2016 et provisoirement appliqué depuis 2017, attendait sa ratification définitive par la France depuis plusieurs années.

La ratification de l’AECG suscite des inquiétudes, notamment dans le secteur agricole. Les agriculteurs français redoutent une concurrence déloyale due à la baisse des droits de douanes sur l’importation de viande canadienne. Heureusement pour eux, très peu d’éleveurs canadiens ont décidé d’investir pour exporter sur le marché européen, aux normes sensiblement différentes. En 2023, les producteurs canadiens n’ont exporté vers l’Europe que 1 400 de tonnes de bœuf, soit à peine 2 % du volume permis par l’AECG. A l’inverse, l’élevage européen a déjà profité de l’AECG, en augmentant significativement ses exportations de bœuf vers le Canada, passées de 1 700 à 14 000 de tonnes en sept ans.

Boeufs d'élevage agricole dans un pré
L’importation de viande canadienne est l’une des craintes des agriculteurs français, alors que les exportations de l’Europe vers le Canada soient plus élevées.

En parallèle, les défenseurs de l’environnement craignent une augmentation des émissions de gaz à effet de serre liée à l’intensification des échanges commerciaux. Une crainte justifiée puisqu’à ce jour, cette prédiction s’est malheureusement réalisée, avec une intensification des échanges de produits polluants, comme les engrais ou le pétrole issu des sables bitumineux. L’examen du projet de loi par le Sénat constitue une étape importante vers la ratification définitive de l’AECG par la France. Le débat autour de cet accord complexe devrait se poursuivre dans les prochaines semaines, avant un vote final par les sénateurs.

L’avenir de l’AECG et des relations commerciales franco-canadiennes en suspens

Le rejet de l’AECG par le Sénat français en février 2024 jette un voile d’incertitude sur l’avenir de cet accord commercial et sur les relations économiques entre le Canada et la France. Son rejet définitif signifierait un coup dur pour les relations commerciales entre le Canada et la France. Un scénario qui obligerait les deux pays à repenser leur stratégie de coopération économique. Si l’accord est maintenu, il existe une panoplie de services au niveau fédéral (Affaires mondiales), provincial (IQI) et régional (ORPEX) pour aider les entreprises québécoises à exporter vers ce marché de plus de 350 millions de personnes.

Quel que soit le résultat, il est clair que cet accord continuera à susciter des débats passionnés et à soulever des questions importantes sur la balance entre le développement économique, la protection de l’environnement et la préservation des intérêts nationaux.

En conclusion, l’avenir de l’AECG et des relations commerciales franco-canadiennes est incertain. Toutefois, la décision de l’Assemblée Nationale Française sera déterminante pour le futur de cet accord et pour la coopération économique entre les deux pays. En effet, cette institution législative est la seule capable d’outre passer le rejet du Sénat, et donner son approbation finale pour sa ratification.

Vous avez des questions concernant vos projets de commercialisation hors Québec ? Notre équipe de service à l’exportation sera ravie de vous accompagner !

Sources

L’Union européenne et le Canada | EEAS (europa.eu)

AECG : tout comprendre à l’accord commercial controversé entre l’UE et le Canada avant un vote crucial cet après-midi au Sénat (lemonde.fr)

Rapport conjoint : Troisième réunion du comité mixte de l’AECG (international.gc.ca)

AECG : ce qu’il faut savoir sur l’accord controversé de libre-échange avec le Canada | Les Echos

aecg_synthese_perspective_quebecoise.pdf (gouv.qc.ca)

Libre-échange | L’accord Canada-Europe sur le gril | La Presse

Le commerce bilatéral France-Canada en 2021 | Direction générale du Trésor (economie.gouv.fr)

Relations Canada-France (international.gc.ca)

f053d6da-7e25-4ff1-8482-4da98bfbdf43 (economie.gouv.fr)

Le Canada et la France resserrent leurs liens bilatéraux | Premier ministre du Canada (pm.gc.ca)

latribune.fr Rejet du CETA par le sénat opportunisme politique ou triomphe du dogmatisme