Écoblanchiment : êtes-vous en conformité avec les nouvelles règles ? 

10 juin 2025

Frédérique Mouly, commissaire au développement durable

Frédérique Mouly

Commissaire au développement durable

À partir du 20 juin 2025, il sera beaucoup plus facile pour une personne ou une organisation de déposer une plainte pour écoblanchiment contre une entreprise. En effet, les sociétés privées, les groupes environnementaux, les entreprises concurrentes, les particuliers pourront déposer des plaintes pour écoblanchiment directement au Tribunal de la concurrence. Ces nouvelles mesures sont introduites par la loi C-59, adoptée en juin 2024, et qui modifie les dispositions sur l’écoblanchiment de la loi sur la concurrence. 

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Ce que cela change concrètement  

Avant le 20 juin 2025, toute personne physique ou morale qui souhaitait déposer une plainte pour écoblanchiment devait le faire auprès du Bureau de la concurrence. Celui-ci est un organisme indépendant d’application de la loi qui protège la concurrence. Il avait le pouvoir discrétionnaire de décider s’il ouvrait une enquête ou non. S’il jugeait que la plainte était sérieuse, il pouvait soit mener une enquête, soit négocier un règlement volontaire avec l’entreprise ou déposer une ordonnance au Tribunal de la concurrence. Cela avait pour conséquence que beaucoup de plaintes n’étaient pas suivies d’action. 

À compter du 20 juin, les plaintes se feront directement au Tribunal de la concurrence, ce qui simplifie grandement le processus. On s’attend alors à une augmentation des dépôts de plaintes et des actions qui s’ensuivront, augmentant ainsi la pression sur les entreprises. 

Prenez garde de ne pas faire de l’écoblanchiment  

La loi C-59 introduit entre autres l’interdiction pour toute entreprise d’émettre des allégations environnementales fausses ou trompeuses.  

Les critères pour déterminer s’il y a allégation environnementale trompeuse  

  • Transmission d’informations « sous la forme d’une déclaration ou d’une garantie visant les avantages d’un produit pour la protection ou la restauration de l’environnement ou l’atténuation des causes ou des effets environnementaux, sociaux et écologiques des changements climatiques, des indications qui ne se fondent pas sur une épreuve suffisante et appropriée, dont la preuve incombe à la personne qui donne les indications » 
  • Transmission d’indications sur les avantages d’une entreprise ou de l’activité d’une entreprise pour la protection ou la restauration de l’environnement ou l’atténuation des causes ou des effets environnementaux et écologiques des changements climatiques si les indications ne se fondent pas sur des éléments corroboratifs suffisants et appropriés obtenus au moyen d’une méthode reconnue à l’échelle internationale, dont la preuve incombe à la personne qui donne les indications. 

Coupable en bref… 

Cela signifie que toute entreprise qui, par l’intermédiaire de propos, d’images, de logos, de couleurs, ferait allusion à des allégations environnementales fausses ou trompeuses portant sur ses produits ou activités à des fins commerciales s’exposera à des sanctions considérables.  

Sanctions possibles 

Dans les montants suivants, le plus élevé des deux sera appliqué. 

  1. 10 millions de dollars ou 15 millions de dollars pour récidive 
  1. Trois fois la valeur du bénéfice tiré de la pratique trompeuse ou, si ce montant est difficile à calculer, 3% des recettes globales annuelles brutes de l’entreprise 

Une sanction bien amère 

Par exemple, une célèbre entreprise qui vend des capsules de café a écopé d’une amende de 3.8 millions de dollars en 2022 pour allégations environnementales fausses parce qu’elle avait affirmé que ses capsules étaient recyclables.  

Pourtant, il était indiqué par un astérisque « là où les programmes municipaux l’acceptent ». Mais le Bureau de la concurrence avait jugé que cette mise en garde était insuffisante et n’éliminait pas le caractère trompeur du message principal. Celui-ci indiquait « Nos capsules sont recyclables » et apparaissait en gros caractères de façon très visible. Qui plus est, la mention spéciale « là où les programmes municipaux l’acceptent » était en petits caractères, reléguée au bas de l’emballage ou dans des documents secondaires et n’était pas assez claire ni assez proche du message principal. 

Selon le Bureau de la concurrence, une mise en garde ou une restriction (comme un astérisque) : 

  • ne peut pas neutraliser un message principal si elle est difficile à voir, à comprendre ou à associer directement au message; 
  • doit être claire, proéminente et immédiatement accessible pour éviter d’induire les consommateurs en erreur. 

Pourquoi introduire de telles mesures ? 

L’objectif est de favoriser une communication rigoureuse et transparente afin d’aider les consommateurs à faire des choix éclairés, et également de ne pas pénaliser les entreprises qui effectuent des déclarations environnementales véridiques, qui ne se distinguent pas des déclarations fausses ou trompeuses.  

En effet, 57% des citoyens canadiens ne croient pas à la plupart des allégations environnementales des entreprises selon une récente étude de Deloitte Canada. Cela signifie que ces personnes ne considèreront pas ces critères dans leurs décisions, ce qui pénalise fortement les entreprises mobilisées en faveur de l’environnement. Et 41% des entreprises sous-estiment les risques d’accusations d’écoblanchiment

Près de la moitié (46 %) des consommateurs déclarent qu’ils ne sont pas prêts à payer un supplément pour des produits durables sous prétexte qu’il est difficile de repérer ceux qui le sont réellement. Les consommateurs sont plus susceptibles d’acheter un produit s’il est vraiment durable, mais ont besoin de plus d’informations pour les aider à prendre cette décision.  

Communiquer ou ne pas communiquer sur l’environnement, telle est la quesiton 

La réponse est bien évidemment qu’il faut continuer à communiquer.  

Bien qu’on puisse s’attendre au phénomène inverse à l’écoblanchiment, qu’on appelle « greenhushing » (écosilence ou mutisme vert), il est important de communiquer auprès des parties prenantes sur vos démarches environnementales et les spécificités environnementales de vos produits et services, car ce sont des qualités qui vous distingueront de la concurrence et vous donneront des points lors des appels d’offres et auprès de vos clients.  

Toutefois, il faut le faire en respectant certaines pratiques, par exemple : 

  • Justifier toute allégation en précisant les hypothèses retenues et la méthode reconnue à l’international qui a été employée.  
  • S’assurer que les affirmations sont fondées sur des preuves tangibles et vérifiables 
  • S’assurer que les précisions apportées à l’allégation sont facilement visibles (éviter les astérisques difficiles à trouver et les polices de caractères trop petites) 
  • Eviter les mots vagues ou sujets à interprétation tels que : écoresponsable, carboneutre, respectueux de l’environnement, biodégradable, vert, écologique,… Attention également aux termes compostable et recyclable, qui doivent prendre en considération l’existence d’infrastructures adaptées dans le pays de consommation du produit. Le terme compostable est également à proscrire s’il nécessite un compostage industriel. 

L’art de communiquer correctement en cinq étapes-clé 

Tout d’abord il faut former les équipes de marketing/communication, développement durable aux nouvelles obligations légales afin d’éviter des infractions involontaires.  

Il faut également revoir les communications publiques pour s’assurer qu’elles respectent les nouvelles exigences.  

Les campagnes publicitaires devront être scrutées pour éviter toute affirmation non vérifiable ou exagérée sur les performances écologiques des produits. 

Il ne faut pas non plus oublier de mettre à jour régulièrement les informations. 

Enfin, ne pas oublier de surveiller la jurisprudence afin de voir quelles allégations seront sanctionnées et ainsi, d’éviter des erreurs et suivre les lignes directrices émises par le Bureau de la concurrence pour rester informé des meilleures pratiques.  

Enfin, faites-vous accompagner par des experts. 

N’hésitez pas à contacter nos commissaires en développement durable pour en savoir plus.