L’importance d’une bonne gestion des matières résiduelles en entreprise
21 août 2024
Au Québec, plus de 5 millions de tonnes de matières sont enfouies chaque année. Avec seulement 0,5% de la population mondiale, le Québec produit pourtant 2%1 du volume de déchets dans le monde, et la quantité de matières résiduelles générées par nos activités ne cesse d’augmenter.
Chaque minute, ce sont 25 tonnes2 de matières résiduelles non dangereuses qui sont produites, soit plus de 13 millions de tonnes par année au Québec. Parmi ces matières, communément appelés déchets, environ la moitié proviennent des Industries, Commerces et Institutions (ICI), un quart est issu de la construction, rénovation et démolition (CRD), le dernier quart provient des ménages3. Où en sont les entreprises dans la gestion de leurs matières résiduelles? Quels changements réglementaires sont à venir et quelles actions concrètes pouvez-vous mettre en place?
Le poids négligé des déchets dans les changements climatiques
La bonne gestion des matières résiduelles est un enjeu crucial en matière de lutte contre les changements climatiques. En effet, elles sont non seulement responsables de la raréfaction des ressources lorsqu’elles sont éliminées, mais contribuent également aux émissions de gaz à effet de serre (GES) : 1,6 milliard de tonnes équivalent CO2 sont générées lors du traitement ou de l’élimination des matières résiduelles, soit 5% des émissions de GES au niveau mondial.
Au Québec, en 2020, les matières résiduelles étaient responsables de 6,1 % des émissions totales de la province. Et l’enfouissement reste la pratique la plus utilisée pour la gestion des matières résiduelles, alors qu’elle contribue à 83% des émissions polluantes, avec la libération de méthane engendrée par la dégradation de la matière organique, et le risque de pollution des sols et des eaux des nappes phréatiques qui résulte de la libération de lixiviats4.
Les avantages d’une bonne gestion des matières résiduelles en entreprise
Une étude réalisée par Recyc-Québec en 2016, montre que 33% des industries commerces et institutions (ICI) ne retournent pas à leurs fournisseurs leurs palettes, boîtes, emballages et contenants de livraison, seulement 28% les retournent et 38% le font partiellement.
Cette pratique simple permet pourtant à la fois d’optimiser le transport et les coûts puisque bien souvent, vos fournisseurs vous les reprennent gratuitement! La pratique de la logistique inversée permet de réduire les gaz à effet de serre en évitant que les camions repartent à vide, mais aussi de valoriser ces produits qui autrement, seraient enfouis. De plus, cela responsabilise vos fournisseurs et les incite à adopter du matériel de livraison plus écologique que des emballages jetables.
La logistique inverse ou distribution inversée dans la chaîne d’approvisionnement comprend les processus et les activités liés à la gestion des produits ou des matériaux retournés. Elle inclue la gestion des retours, des réparations, de la remise en état, du recyclage et de l’élimination des produits ou des matériaux.
Cette même étude présente le degré d’importance accordé aux avantages associés à l’adoption de certaines pratiques durables en gestion des matières résiduelles :
La majorité des ICI juge qu’une bonne gestion des matières résiduelles contribue à :
- réduire la production de déchets,
- améliorer l’image de la compagnie,
- accroître la mobilisation des employés
- reconnaître l’entreprise comme un leader sur le plan environnemental dans son secteur.
Outre ces critères, une bonne gestion des matières résiduelles permet également de réaliser des économies : réduction des pertes et des gaspillage, réutilisation de certaines matières contribuant à une réduction des achats, réduction de la quantité de matières nécessaires pour la fabrication d’un produit grâce à l’éco-conception qui réduit notamment les emballages,… Elle contribue également à la réduction des émissions de gaz à effet de serre de portée 3.
Notons que le coût réel des déchets est bien souvent largement sous-estimé, puisque ne sont considérés que les coûts visibles sur les factures de collecte et de traitement. Or, ces coûts ne représenteraient dès 2014 que 10% du coût réel5 en moyenne selon le Réseau de recherche en économie circulaire du Québec. En effet, la production de matières résiduelles, et donc les ressources nécessaires pour les produire, incluant les matières premières, l’énergie, l’eau, la main d’œuvre, l’utilisation d’équipements et les autres coûts de gestion, sont responsables de 90% des coûts réels des matières résiduelles.
En réduisant vos déchets, vous contribuez donc à réduire vos coûts de façon conséquente.
De bonnes pratiques à mettre en place pour prendre de l’avance et anticiper une augmentation des coûts liés aux déchets
Par ailleurs, adopter de bonnes pratiques de gestion des matières résiduelles dès maintenant permet d’anticiper sur de futures évolutions réglementaires. Elles visent à détourner les matières résiduelles de l’enfouissement, au profit du recyclage et du compostage, et à réduire les matières polluantes telles que le plastique.
Voici quelques exemples d’évolutions réglementaires à intégrer :
- L’interdiction de certains plastiques à usage unique pour les commerces et restaurants à Montréal depuis 2023
- L’augmentation des coûts d’enfouissement de 2$/t chaque année
- L’obligation de mettre en place un tri à la source des matières organiques pour les ICI à compter de 2025
- La mise en place d’un registre fédéral au Canada, qui s’inscrit dans le plan d’action pancanadien visant à se rapprocher de l’objectif de zéro déchet de plastique d’ici 2030, et qui oblige les entreprises à déclarer annuellement les quantités de déchets plastiques produits ainsi que les produits plastiques et résines plastiques mis sur le marché
- L’obligation pour les metteurs sur le marché de produits emballés à destination des ICI (Industries, Commerces, Institutions) de déclarer leurs emballages et contenants à Eco-Entreprises Québec
Les 3 étapes d’actions à mettre en place dès maintenant
1. Réduire
La première étape consiste à réduire la production de matières résiduelles. Le meilleur déchet est celui que l’on ne produit pas. Pour cela, il convient d’effectuer une analyse de vos pratiques grâce à un audit, afin d’identifier les lieux de production de vos déchets et d’en comprendre la cause.
Vous pouvez également effectuer une analyse de cycle de vie de vos produits ou services, qui vous permettra d’identifier les activités avec le plus fort impact, et ainsi de prioriser les actions pour réduire ces impacts, en éco-concevant vos produits ou services.
L’éco-conception vous permettra d’utiliser moins de matière en :
- Réduisant le poids de vos produits et emballages
- Supprimant un composant non indispensable,
- Remplaçant certains matériaux non recyclables par d’autres matériaux recyclables ou en intégrant des matières recyclées dans vos produits.
2. Circularisation
La seconde étape consiste à circulariser vos matières : une fois que vous avez réduit au maximum la quantité de matières résiduelles générées, pouvez-vous réutiliser certaines matières sur votre site, ou pouvez vous le faire sur un autre site?
Pour ce faire, après avoir caractérisé vos matières résiduelles et analysé vos pratiques, vous pouvez réaliser les actions suivantes :
- Identifier les matières résiduelles produites sur site, en bon état et ne nécessitant pas de réparation pour pouvoir être réutilisées (exemples : réutilisation de cartons d’emballages de produits réceptionnés, création d’un stock de pièces de rechange et inventaire)
- Prioriser des matières résiduelles à réutiliser selon la facilité de mise en œuvre : certaines matières pourront être réutilisées très facilement et ne nécessiteront pas de réaliser des tests avant, alors que d’autres devront nécessiter l’approbation des départements impactés et la réalisation préalable de tests pour valider la faisabilité. Mettre en œuvre des tests le cas échéant, avant la mise en œuvre définitive de l’action
- Monter un groupe de travail constitué d’au moins un représentant de chaque service, afin d’identifier toutes les opportunités de réutilisation possibles
- Possibilité d’impliquer vos employés en communiquant lors de vos points équipes hebdomadaires ou mensuels – rappelez-vous que les meilleures idées viennent du terrain. Si vous avez plusieurs sites, pensez à impliquer l’ensemble des sites dans la démarche
- Considérer mettre en place un système de collecte des matières résiduelles de vos clients pour pouvoir les réutiliser ou les remettre en marché (exemple : reconditionnement de matériel électronique usagé). Enfin, vous pouvez également optimiser l’utilisation de vos matières en les mettant à disposition d’autres entreprises, organismes ou citoyens via des plateformes de partage de ressources (don, vente ou location)
3. Revoir les pratiques
La troisième étape consiste à revoir vos pratiques de collecte et les filières de traitement de vos matières résiduelles en se posant quelques questions :
- Est-il possible de réduire la fréquence de collecte (ce qui réduira les émissions de gaz à effet de serre liées au transport) ?
- Pouvez-vous recycler davantage de matières ?
- Valorisez-vous vos matières organiques ?
- Effectuez-vous un suivi régulier de la gestion de vos matières résiduelles afin de détecter rapidement des erreurs de tri ?
- Avez-vous une traçabilité de vos matières résiduelles ?
Une bonne gestion des inventaires est fondamentale, tout comme l’implication de vos employés dans la démarche. Votre comité de développement durable pourrait se charger d’optimiser vos pratiques.
De multiples actions sont possibles et les filières de recyclage évoluent rapidement. Faites comme Moneris, Haleon, CAE, Stanpro et Essilor : ces entreprises de Saint-Laurent se sont engagées dans un projet-pilote de recyclage de leurs plastiques souples : l’entreprise laurentienne Polykar les recycle en de nouveaux sacs et films plastiques.
Pour toute question relative à la gestion de vos matières résiduelles, n’hésitez pas à contacter Frédérique Mouly, notre commissaire en développement durable.
Sources :
3 https://sqrd.org/letat-des-lieux-au-quebec/
5 https://rrecq.ca/nouvelles/tirer-profit-de-lanalyse-des-dechets-avec-un-outil-tout-simple/